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Interview réalisée dans le magazine

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Numéro 18, Novembre/Décembre 2001
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La Lutte Chinoise ou Shuai Jiao appartient au patrimoine de la Chine et de l'humanité. Invité par son élève Jean-Luc Lesueur, Maître Wang Wenyong vient de diriger une série de stages en France avec l'accord du ministère chinois des sports, II est reconnu comme un grand maître dans son pays. Agé de 68 ans, il fut le disciple de Jin Baoshen, garde du corps de l'empereur et meilleur combattant de Chine. Pour lui, c'est clair, la Lutte chinoise fait partie des arts internes.
Maître Wang Wenyong a consacré sa vie entière à mener des recherches sur la lutte chinoise. Il est l'auteur d'un ouvrage : -Zhong-guoschi Shuai Jiao Quan » ou » Style chinois du Shuai Jiao ». ll.a crée deux centres d'en- ment à Pékin (Beijing) et a formé de fameux lutteurs chinois. Son enseignement est rigoureux, exigeant, riche en postures de ren­forcement et en exercices de coordination. Il donne une autre dimension à la lutte, qu'il enseigne comme art à multiples facettes. Main­tenant, il désire ouvrir son enseignement aux étudiants étrangers, car il est convaincu que la Lutte Chinoise appartient au patrimoine de l'humanité et que c'est une des meilleures choses que la Chine puisse offrir au Monde.
 
 
Ceinture Noire :
Est-ce que pour vous la lutte chinoise est interne ou externe ?
 
Me Wang Wenyong :
Le Shuaï Jiao a bénéficié des apports de la boxe interne du Bagua (Pakua), du Taijiquan ( Tai Chi Chuan), du Xing Yi Quan (Hsingyi chuan) et de l’ancienne Lutte chinoise.
Toutes les manœuvres avant la projection viennent des Arts internes. Par exemple, le mouvement de saisie par l'extérieur vient du Bagua, celui de l'intérieur vient du Taiji. La meilleure lutte est dans l'art de la saisie. Une bonne saisie vous aide à réaliser une technique correcte. Avant de faire passer l’armée, il est nécessaire de préparer le terrain. On peut avoir de la technique, mais elle ne sert pas à grand chose sans l'art de la saisie. Le Shuai Jiao fait partie des Neijia (arts internes).
 
C. N. :
Est-ce que le Judo a un rapport avec le Shuai Jiao (lutte chinoise) ?
 
Me W. W.:
En 1904/05, les Japonais font la guerre aux Russes. Ils utilisent le Judo pour battre les Russes. A l'époque de la dynastie des Ming (1368-1644), Chenyuan Lun (nom chinois) ou Chen yuan Pin ou Chin Gempin (en japonais) transmit son art à trois disciples japonais qui créeront trois écoles de Ju-Jitsu. Le Shuai Jiao est donc l'an­cêtre du Judo et du Sumo. Les premières tenues de Judo avec leurs manches courtes ressemblaient étrange­ment à celle du Shuai Jiao (appelées » dalian »)
 
C. N.:
Pouvez-vous nous parler de l'esprit du Shuai Jiao?
 
Me W. W.:
Dans les wushu, on trouve beaucoup d'applications de combat réel comme, par exemple, les attaques à la gorge ou aux yeux. Cette attitude n’est pas correcte du point de vue du Shuai Jiao qui se veut également une méthode d’éducation II n est pas exclu de connaître les applications martiales pour une meilleure efficacité, mais les qualités humaines de coeur et de moralité doivent primer Dans le Shuai Jiao les règles de politesse sont à la base de la pratique.  Le non-respect de ces règles  peut entraîner l’exclusion Par exemple, un adepte qui se bagarre dans la rue risque le renvoi.
 
C. N.:
Quelle est la période importante de la lutte chinoise?
 
Me W. W.:
L’histoire de la lutte chinoise remonte à plus de 2000 ans. Sous la dynastie des Qing (1644-1911), avant la grande guerre des huit pays, la lutte chinoise est au sommet Les tech­niques sont complètes et bien corrigées. A cette époque, les grands lutteurs sont classés en première, deuxième, troisième et quatrième classe. Les premières classes sont les gardes du corps de l'empereur, les quatrièmes sont les surveillants du palais impérial. Leurs salaires sont en rapport avec le classement fis sont donc obligés de s'entraîner très dur pour obte­nir un salaire décent afin de nourrir leur famille. Les premières classes étaient très bien payées.
 
C. N.:
Quand vous avez démarré la lutte, cela devait être très difficile de devenir l'élève d'un grand maître. Maintenant, avec les systèmes modernes, n'importe qui peut s'inscrire dans un club et apprendre la technique. Que pensez-vous de cette évolution ?
 
Me W. W.:
S'il s'agit d'un véritable disciple, je lui transmets l'essence de l'Art de manière détaillée. S'il s'agit d'un élève moins motivé, je lui enseignerai les bases.
 
C. N. :
Que pensez-vous de la Lutte Mongole ?

 
Me W. W. :
A l'origine, les Mongols étaient répu­tés comme de fameux archers, cavaliers et lut­teurs.
Sous l'empereur Kangxi (1662-1722) de la dynastie Qing (mandchoue), les Mandchous ont entrepris des recherches sur la lutte mongole, dont ils reconnaissaient l'efficacité. C'est à cette époque que le Shuai Jiao s'est enrichi de différents styles qui font sa richesse et sa complexité.
Toutefois, la lutte mongole existe encore à part entière de nos jours et entretient d'excellentes relations avec la lutte chinoise. J'ai dans mes élèves des lutteurs mongols qui figurent parmi les meilleurs.
 
C. N.:
Notre entretien touche à sa fin. Voudriez-vous dire un mot pour conclure ?

 
Me W. W. :
Le Shuai Jiao est un Art qui repose sur 3 principes de base : force intelligente, rapi­dité et gongfu (kungfu = maîtrise, virtuosité). La maîtrise s'acquiert par le travail du «Jiben-gong » (travail de base). A l'opposé de certaines formes de lutte qui cherchent à projeter l'adversaire à tout prix par l'utilisation de la force physique brute, le pratiquant de Shuai Jiao utilise harmonieusement sa force naturelle en adaptant sa tech­nique à son adversaire. Contrairement à d'autres Wushu, le Shuai Jiao ne possède pas de « Daolu » (kata) afin d'évi­ter toute mise en situation stéréotypée nuisible à l'efficacité en situation réelle. Je dis toujours : « travailler les Daolu et attendre d'être frappé... »
Pour être un bon lutteur, il est préférable de connaître les Arts Martiaux chinois. Celui qui connaît la lutte chinoise peut devenir un  bon judoka, mais pas l'inverse, car les mouvements souples du Shuai Jiao sont difficiles à exécuter pour un judoka. .Il est important pour le futur de créer en France une association de lutte chinoise. « Ou Hua Long » (surnom chinois de Jean-Luc Lesueur donné par Me Wang Wenyong, signifiant « Dragon entre l'Occident et la Chine ») est respon­sable et entraîneur du club internatio­nal Jin Bao Shen et mon unique repré­sentant en Europe. Il est apte à former les élèves et les compétiteurs à la lutte chinoise traditionnelle. En 2008, les Jeux Olympiques auront lieu à Pékin. La Lutte Chinoise, en raison de ses racines profondes dans la culture chi­noise, a une chance d'être au pro­gramme des J.O. Il y a aujourd'hui beaucoup de pratiquants en Chine. J espère que Jean-Luc Lesueur pourra dans ce cas envoyer ses élèves.